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DE PONTANGES.

— Ce n’est pas pour moi, dit le beau-père : « Madame, madame de Marny… » Ma fille, ceci vous regarde.

Clémentine prit le billet.

— C’est la première lettre que je reçois depuis mon mariage, dit-elle.

Elle lut et ajouta.

M. Dulac m’écrit qu’il ne viendra pas… Dites qu’on serve le dîner.

— Ferdinand ! s’écria Lionel ; il est ici ! vous l’attendiez ?

— Il arrive à l’instant de la campagne, il ne peut venir que ce soir.

— Il viendra ce soir ?

Lionel vit que son étonnement paraissait étrange, il ajouta : — Et quelle excuse donne-t-il pour ne pas dîner avec nous ?

M. de Marny, en disant cela, se tourna vers sa femme comme pour la prier de lui laisser lire le billet qu’elle tenait dans sa main.

— J’en suis bien fâchée, dit-elle en souriant, mais il m’est impossible de vous montrer ce billet.

— Des secrets pour moi, déjà ? reprit Lionel avec amertume.

L’air calme et presque heureux de Clémentine le rassura.

— Vous ai-je demandé vos secrets, moi ? dit-elle ; je les respecte… ne le savez-vous pas ?

Sa voix, en disant ces mots, avait un accent de reproche si doux, si résigné, que M. de Marny en fut touché.

— Saurait-elle d’où je viens ? pensa-t-il. Ferdinand m’aurait-il doublement trahi ? — Et dès lors Lionel fut tourmenté d’une inquiétude nouvelle… L’idée de revoir Ferdinand l’agitait, et il s’étonnait cependant de n’éprouver plus contre lui autant de haine. Il se demandait ce qui l’avait changé… Mille sentiments confus se combattaient dans son âme. Son imagination était déconcertée par des événements qui arrivaient tout différents de ce qu’il les avait rêvés : il était pris au dépourvu. Le retour inattendu de son beau-père, de sa femme que le matin même il croyait ne plus revoir, cette continuation d’un lien auquel, dans sa pensée, il cherchait toujours un moyen de se soustraire ; ce mariage célébré, mais non consommé ; cet homme qu’il voulait tuer comme un ennemi et qui devait ce