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DE PONTANGES.

sa femme ne s’inquiétât de ses distractions, et, pour expliquer son erreur, il feignit d’avoir plaisanté.

— Sans doute, dit-il, cette vue est très-exacte, mais je n’ai vu Chamouny que l’été. Il n’y a pas de neige alors… et le contraste des glaciers et du gazon est beaucoup plus frappant… Je m’étonne qu’on n’ait pas saisi ce contraste : c’est pendant l’été qu’il faut voir, qu’il faut peindre la Suisse…

Ici il eut un moment d’enthousiasme pour la Suisse… Il allait un peu réparer le mauvais effet qu’avait produit sa préoccupation.

— Cette neige est si bien imitée qu’elle me gèle, dit Clémentine ; partons.

Lionel sortit avec d’autant plus d’empressement, qu’il avait vu disparaître la grande femme noire et qu’il espérait la rencontrer dans les détours du labyrinthe. Il aida avec de tendres soins sa femme à descendre l’escalier obscur.

— Prenez garde, dit-il, il y a deux marches.

Ils passent près d’une petite lampe.

— Les voilà ! dit la même voix.

Cette voix, il croit la reconnaître…

En cet endroit le corridor faisait un coude ; deux femmes s’enfoncèrent dans l’ombre et s’arrêtèrent pour laisser passer M. de Marny et sa femme.

Cette démarche confirma Lionel dans ses soupçons. Il voulait ralentir le pas, mais Clémentine l’entraînait.

— Venez vite, dit-elle, tout le monde va sortir en même temps !

Lionel s’éloigna à regret.

Dès qu’il parut sur le seuil de la porte, son domestique fit avancer sa voiture.

Il maudit le zèle de cet homme.

Clémentine monta dans la calèche. Lionel fit semblant de trouver quelque chose de négligé dans l’attelage des chevaux. Il passa une petite inspection autour de la calèche avant d’y monter… Il voulait gagner du temps.

— Ces deux femmes vont sortir, pensait-il, je les verrai enfin !…