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DE PONTANGES.

— Eh bien, j’y consens ! j’aime mieux le revoir tout de suite et n’y plus penser.

— Alors préparez-vous bien, il va venir…

M. Dulac sortit de la loge. Quelques moments après, il y rentra accompagné de M. de Marny.

Madame de Pontanges fit bonne contenance, elle soutint le défi courageusement.

Lionel fut moins brave : il pâlit, se troubla ; son cœur battait avec violence. Chose incroyable ! lui qui avait oublié, trahi son amour, le retrouvait en cet instant tout entier… Il revoyait cette femme qu’il avait trompée, après dix-huit mois d’absence et d’oubli ; il la revoyait avec la même émotion, la même tendresse que le jour où il l’avait quittée pour la dernière fois. — Et elle… était presque indifférente. La passion de Laurence s’était usée dans le chagrin ; celle de Lionel, au contraire, s’était conservée pure et intacte dans l’infidélité. Ô mystère ! son amour s’était suspendu et non éteint.

C’est à peine si M. de Marny peut articuler quelques mots de politesse. Laurence parle librement.

— Vous viendrez me voir, dit-elle, je suis chez moi tous les matins.

Il s’inclina avec respect. En ce moment, la porte de la loge s’ouvrit et la duchesse de Champigny entra. Lionel profita de cette occasion pour sortir. Il étouffait.

— Elle n’a jamais été plus séduisante, pensa-t-il.

Il retourna dans sa loge, sa femme venait de partir.

— Elle s’était trouvée mal, dit quelqu’un, elle a prié son père de l’emmener.

Cette circonstance n’avait rien d’étonnant, madame de Marny était grosse et le spectacle la fatiguait.

— Je vous fais mon compliment, dit M. Dulac à Laurence, vous vous êtes conduite à merveille ; je commence à croire que nous ne l’aimons plus.

— Savez-vous ce qui a fait mon courage ? c’est que je l’ai trouvé bien changé, enlaidi : comme il est engraissé ! Il a des joues affreuses, on ne voit presque plus ses yeux, qui étaient si beaux !

— Oh ! c’est charmant ! s’écria Ferdinand en éclatant de