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MONSIEUR LE MARQUIS

rire. Dites donc que vous ne l’aimez plus ! Il a toujours été comme cela. Vous le voyiez autrement quand vous l’aimiez, voilà tout.

— Non, il était mieux aussi. Je le trouve fort engraissé, et ce n’est pas très-romanesque, après dix-huit mois d’absence.

— Ah ! les femmes ! les femmes ! continua Ferdinand ; elles n’ont jamais le dernier. Elles disent que vous êtes changé, elles vous trouvent laid, sitôt qu’elles sont infidèles… Mais voilà qui mérite votre admiration, on vous permet d’être attentive.

Laurence tourna ses regards vers la scène, et la superbe décoration du bal masqué du Gustave l’éblouit.

Elle se livra au plaisir du spectacle ; charmée de se convaincre par le plaisir qu’elle était guérie de son amour, et fière de se croire dégagée, elle répétait dans sa joie : — Quel bonheur ! je ne l’aime plus !


XX.

POLITESSE.


Lionel passa la nuit dans la plus grande agitation. L’image de Laurence le poursuivit. Laurence était alors telle qu’il l’avait rêvée. C’était la femme belle, la femme d’un haut rang, la femme élégante, non plus la femme de province avec ses manières un peu saccadées, ses phrases arrondies, son originalité qui menace toujours d’une inconvenance, son ignorance dont on se défie, ses parures bizarres, ses manières prudes ou agitées ; c’était la Parisienne, la Parisienne un peu Anglaise, c’était la femme distinguée, enfin la grande dame spirituelle et jolie.

D’abord, à son aspect, Lionel éprouva un saisissement de cœur si violent, qu’il se promit de la fuir, d’éviter toute rencontre avec elle ; mais quand il vit l’effet que sa beauté produisait sur tous les habitués de l’Opéra, quand il entendit chacun se demander : « Quelle est cette femme si belle ? » il se trouva flatté de la connaître, et il ne put résister à la vanité de se montrer un instant aux yeux de ses amis dans cette loge bril-