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DE PONTANGES.

lante qui faisait une si profonde sensation à l’Opéra. Cela arrive souvent, que la vanité aide notre cœur à s’entraîner : le cœur nous donne, la vanité nous livre.

Lionel, une fois entraîné, céda à son amour renaissant. Il se réjouit d’aller voir Laurence. Il était avide d’émotions ; depuis deux ans le bonheur l’avait engourdi.

Il jugea convenable d’attendre huit jours avant de se présenter chez madame de Pontanges. D’ailleurs, il ne savait pas où elle demeurait ; il lui fallut demander son adresse à M. Dulac, ce dont il fut assez humilié.

Un jour donc, M. de Marny arrêta son tilbury devant l’hôtel de Pontanges.

Il fut d’abord frappé de la magnificence, de la grandeur de ce palais. En Italie, on l’aurait admiré. L’entrée était grandiose ; la façade, noble et correcte, avait cette simplicité qui convient aux monuments de l’architecture française. Dans un climat de pluie et de poussière comme le nôtre, ce qui produit si naturellement de la houe, les ornements sont des inconvénients ; une chose toujours sale ne peut embellir. Connaissez-vous rien de plus hideux que ces statues qui ont les épaules toutes noires, le nez tout noir, qui traînent de longues raies de poussière dans leurs manteaux, sur leurs cheveux, qui ont des toiles d’araignée d’un bras à l’autre ? Aimez-vous aussi ces gros vilains masques à la bouche béante, où les oiseaux font leurs nids ? et ces colonnades mesquines qui privent de jour la maison ?

L’architecture du palais de madame de Pontanges n’était ni grecque, ni gothique, ni romaine, elle était française ; tous les inconvénients de notre climat y étaient prévus et prévenus : les fenêtres avaient double vitrage ; car il pleut, il fait froid chez nous. Elles étaient hautes et larges, car nous manquons de jour à Paris. Le palais avait deux entrées, une porte d’honneur pour les visites, une entrée intime pour les marchands et les gens de service ; la cour était un beau jardin parfaitement bien tenu. Les voitures s’arrêtaient à couvert sous un vaste péristyle que couronnait une terrasse émaillée de fleurs. Un bel escalier de marbre blanc, rayé de tapis, régnait tout le long du péristyle. Un perron orné d’une balustrade élégante le terminait,