Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/46

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— De madame de Champléry.

— Ah ! qu’elle me déplaît ! reprit-il tout haut ; elle est si prude et si moqueuse !

— Prude ! mais au contraire, répliqua M. de Fontvenel, elle dit souvent des mots fort plaisants, et…

— Je ne lui refuse pas de l’esprit, mais ce n’est pas un esprit qui me plaise ; j’aime bien mieux sa belle-mère, qui est un ange de bonté, et je ne lui pardonne pas d’être ingrate pour elle.

Tandis qu’il parlait, Stéphanie, après avoir offert du thé à tout le monde, en alla porter une tasse à sa mère, préparée pour elle avec soin et selon son goût.

— Que cette attention est touchante ! s’écria madame de Clairange en la regardant, rien n’embellit autant une jeune personne que les soins qu’elle donne à sa mère ; c’est la plus sûre des coquetteries… Voilà ce que je n’ai jamais pu persuader à Valentine. Elle n’a pour moi nulle prévenance, et le ciel sait combien je suis malheureuse de sa froideur !

— Vous m’étonnez, dit madame de Fontvenel. Il y a un an, lorsque Stéphanie était souffrante, j’ai été témoin des soins de Valentine pour son amie, et je serais une mère ingrate si je la laissais accuser de négligence.

Edgar écouta avec le plus grand intérêt toute cette conversation, en apparence fort insignifiante ; et, lorsqu’il s’éloigna, il s’étonna de tant rêver à cette Valentine, à la fois si triste et si rieuse, si prude et si légère, si froide et si aimante ; et il sentit que ses deux plus grands titres à le prévenir en sa faveur étaient d’avoir déplu à M. Narvaux et d’être aimée de Stéphanie.


IX.

L’impression que lui avait laissée cette soirée fut cependant bientôt effacée. Edgar, trompé deux fois dans les émotions de son cœur, reprit le cours de sa vie mondaine ; mais, toujours désenchanté dans ses illusions, toujours puni dans ses espérances, il finit par concevoir une telle rancune contre son fatal lorgnon, qu’il résolut de ne plus s’en servir. Il le renferma