Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/462

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
456
MONSIEUR LE MARQUIS

perfidie de Dulac. Ne voyez-vous pas que depuis trois mois il feint d’être occupé de vous, et maintenant il m’accuse de vous tromper ? Afin d’être mieux accueilli, il vous arrange des chagrins de ménage pour se préparer à vous consoler. Je ne comprends pas qu’avec votre esprit, vous puissiez être dupe de ce manège et le servir.

Lionel s’éloigna en disant ces mots, et laissa Clémentine méditer sur cette nouvelle idée.

Elle en fut d’abord étourdie, et puis se calma ; mais ce repos fut factice : d’ailleurs, madame d’Auray ne tarda pas à venir confirmer les rapports de M. Dulac.

— Je ne vous demande pas des nouvelles de votre mari, dit-elle, je sais qu’il se porte à merveille, je l’ai rencontré hier chez madame de Pontanges.

Et la pauvre Clémentine retombait dans ses angoisses, et Lionel, la retrouvant toujours en larmes, se fâchait.

C’était cruel d’essuyer des querelles de jalousie pour une femme qui ne vous aimait pas, de voir son bonheur domestique troublé et de n’être pas heureux ailleurs.

Tout allait bien ; M. Dulac travaillait de son côté.

— Je vous admire, dit-il un soir à madame de Pontanges, vous êtes de première force ! C’est une belle vengeance. Elle en mourra, la pauvre femme, et lui en deviendra fou.

— Que voulez-vous dire ?

— Que Marny vous aime plus que jamais et que sa femme est horriblement jalouse ; que tout cela vous amuse et que vous avez raison de vous venger ainsi.

— Quelle horreur ! je n’y ai jamais songé. Moi, troubler le repos d’une pauvre jeune femme qui ne m’a jamais fait de mal ! lui enlever son mari ! Oh ! ce serait infâme… Vous ne me connaissez pas.

— Vous n’aimez donc plus Lionel ? Je croyais que vous l’aimiez encore, vous êtes si triste depuis quelques jours…

— Moi ! je ne veux plus l’aimer.

— Pourquoi ?

— Je vous le dis, parce que je ne pourrais encourager son amour sans commettre une méchante action.

— Alors on n’aimerait jamais personne, en vérité. Vous