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DE PONTANGES.

l’avez renvoyé il y a deux ans parce que vous étiez mariée, et maintenant vous le renvoyez parce qu’il est marié ; je vois que vous êtes toujours la même : vous êtes d’une bonté incorrigible. N’est-ce pas aussi la crainte de faire pleurer lady Suzanne qui vous fait refuser votre cousin ?

— Vous riez toujours… je ne plaisante plus. Dites-moi, comment puis-je rassurer madame de Marny ? Vous la connaissez, dites-lui…

— Vous avez un moyen de vous tirer d’embarras, si réellement vous êtes de bonne foi dans la résolution de renoncer à Lionel.

— Lequel ?

— Vous rapprocher de sa femme.

— J’y ai déjà pensé. Je voulais la prier au bal chez moi samedi.

— Quoi ! cette idée vous est venue aussi ?

— Oui, mais c’est contre moi que je l’avais trouvée. Il me semble qu’en les voyant ensemble, je me désenchanterai plus vite ; je le découragerai, lui ; et moi, je m’engagerai, car du jour où j’aurai serré la main de sa femme, je ne pourrai plus…

— Ne craignez-vous pas que Lionel ne s’y trompe, qu’il ne voie au contraire dans cette liaison qu’un moyen de le rencontrer plus souvent, de mieux cacher une intrigue ?

— Ah ! Lionel sait bien que je suis incapable d’une telle bassesse !

— Cela se voit tous les jours cependant.

— Oui, mais je n’ai pas peur qu’il me soupçonne d’avoir eu cette idée. Rassurez sa femme, je vous prie, et chargez-vous de lui faire accepter cette invitation.


XXIII.

UN BAL.


C’est un beau spectacle qu’un grand bal dans de vastes et magnifiques salons, qu’une fête qui ne dérange pas, où l’on ne se sent pas en extraordinaire, où l’on s’amuse sans remords, car le plaisir qu’on va goûter n’a fatigué personne ; mais moi, je