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DE PONTANGES.

salon, vous pourrez vous asseoir ; il ne faut pas que vous restiez debout. Je vous remercie d’être venue, car vous êtes souffrante et vous aviez un prétexte pour m’affliger si vous l’eussiez voulu. Vous m’auriez fait une peine véritable en me refusant.

La manière dont madame de Pontanges prononça ces mots leur donnait beaucoup de signification, et Clémentine fut, malgré elle, désarmée par tant de noblesse et de loyauté. Mais une autre pensée vint tourmenter son cœur : — Elle ne l’aime plus, se dit-elle, mais lui… il est impossible qu’il n’adore pas cette femme-là.

D’autres femmes étant arrivées, madame de Pontanges quitta madame de Marny, et Clémentine resta seule dans une immense salle que l’on appelait le petit salon, parce qu’il était moins grand que les autres, et où elle ne connaissait personne.

Elle regardait, regardait encore, s’attristait, et s’ennuyait ; les uns arrivaient par une porte, sortaient par une autre, se jetaient à eux-mêmes un coup d’œil dans la glace, et s’en allaient. D’autres venaient à la cheminée se chauffer les pieds un instant, et puis s’en allaient. Pas un ami, pas un importun d’ailleurs qui l’aurait amusée là. Point… ni M. Bonnasseau, ni le général Rapart, ni Paméla, ni personne de sa société. Enfin madame d’Auray apparut, mais ce fut un éclair. Elle vint dire à Clémentine un petit bonsoir bien protecteur, pour lui montrer seulement qu’elle donnait le bras à l’élégant du jour, au héros de cette demeure, au cousin de la maîtresse de la maison, à M. de Loïsberg, conquête d’une heure dont elle était très-fière, sans deviner que le prince n’était si soigneux pour elle que pour apprendre de cette indiscrète voisine tout ce qui s’était passé à Pontanges depuis deux années.

M. de Marny venait de temps en temps dire un mot à sa femme, ce qui attristait encore Clémentine, car son mari la trouvait toujours isolée, abandonnée, et qu’il ne paraissait pas faire grand cas d’elle ce jour-là. Une fois elle prit son bras et se promena avec lui dans la grande galerie ; mais elle vit bien que cette promenade conjugale déplaisait fort à son mari, et elle revint tristement se remettre à sa place.