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MONSIEUR LE MARQUIS

Lionel était de mauvaise humeur, d’abord de voir sa femme chez madame de Pontanges, et de la voir ainsi à son désavantage. Personne ne faisait attention à elle. Clémentine, si entourée dans un autre monde, merveilleuse à la mode parmi les élégantes, là était perdue ; on ne demandait pas même son nom. D’ailleurs elle n’était plus jolie : elle était pâle, elle dont le teint était ordinairement si animé. Sa robe de velours noir la vieillissait dans un bal ; sa grossesse détruisait toute la gentillesse de sa taille. Clémentine était insignifiante pour tout le monde et laide pour son mari.

Enfin, M. Dulac, après avoir promené plusieurs duchesses, vint s’asseoir auprès d’elle, et comme il s’aperçut que M. de Marny était inquiet de ce qu’il pourrait dire à sa femme au sujet de Laurence, il affecta de ne la pas quitter ; il lui parlait tout bas, il prenait de grands airs d’étonnement, il levait les yeux au ciel, il faisait toutes sortes de grimaces, et s’amusait ainsi à mettre Lionel au supplice. Je ne sais pourquoi Ferdinand avait pris ainsi en grippe M. de Marny ; mais, bien que lié d’amitié avec lui, il le poursuivait sans cesse comme un rival acharné. Les gens d’esprit ont quelquefois de ces travers, de ces antipathies non motivées qui s’expriment par ces mots : C’est ma bête noire ! Que répondre à cela ?

Cette comédie que jouait M. Dulac réussit à merveille ; Lionel ne pouvait plus cacher son impatience.

— Qu’avez-vous donc ? lui dit madame de Pontanges en passant près de lui, vous avez l’air furieux ! Venez me confier vos ennuis, venez causer un peu avec moi ; à force de discrétion on me laisse toute seule…

Ils allèrent s’asseoir dans un coin du salon.

— Qu’avez-vous ? dit Laurence.

— Je n’ai plus rien, dit-il en la regardant doucement.

— Pas de fadeurs ! vous êtes contrarié… Qui vous donne de l’humeur ?

— Des inconvenances qui me choquent.

— Mais encore, quoi ?

— Votre M. Dulac qui fait cent contes absurdes à ma femme, et s’amuse à la rendre jalouse.