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DE PONTANGES.

La manière dont Lionel prononça ces mots, l’autorité d’une si violente passion, intimida un moment madame de Pontanges ; mais elle voulait combattre, car, en dépit d’elle, le souvenir de son amour la troublait. Elle se sentait moins forte, moins guérie qu’elle ne l’avait cru… et puis Lionel était si passionné, lui, qu’il aurait donné de l’amour à la femme la plus perfide, et madame de Pontanges, en le voyant si ému, si malheureux, retrouvait malgré elle au fond de son cœur un peu d’émotion en écoutant cette lettre. Elle se reportait au jour où elle l’avait écrite, et elle aimait bien ce jour-là… Elle eut peur… elle se voyait faiblir, la crainte d’aimer encore l’épouvanta… Elle n’eut qu’une pensée : empêcher Lionel d’achever la lecture de cette lettre, qu’elle se rappela tout à coup. — S’il lit jusqu’à la dernière ligne, je suis perdue ! se dit-elle. Oh ! comme sa voix tremble ! j’aurais mieux fait de la lire moi-même : quelle imprudence !… quelle voix !… que j’aime sa voix !… Dieu ! comme il est ému !

Pendant ce temps, Lionel continuait de lire :

« Quoi ! te laisser en partant l’idée que je ne t’aimais pas !… Mourir quand je pourrais te voir heureux… cela est impossible… Et pas un obstacle insurmontable ne nous sépare… ni les déserts, ni la mer… »

— Ah ! ah ! ah ! s’écria madame de Pontanges en s’efforçant de rire… comment ! c’est moi qui ai écrit ces bêtises-là !

— Si vous riez, je vous tue, madame ! s’écria Lionel hors de lui.

Madame de Pontanges frémit ; il y avait de la démence dans la colère de M. de Marny.

Il serra fortement le bras de Laurence :

— Restez là, madame ! vous m’entendrez jusqu’au bout…

Madame de Pontanges pâlit, elle comprit qu’il fallait se soumettre ; elle écouta en silence :

« Pas un obstacle insurmontable ne nous sépare… ni les déserts, ni la mer, ni même la volonté de quelqu’un… car l’homme à qui je suis liée ne souffrirait pas de notre amour ; il l’ignore, il ne peut le comprendre… Il n’y aurait pour lui,