Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/477

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
471
DE PONTANGES.

Lionel se laissa tomber à genoux… il mit la lettre sous les yeux de Laurence. — Voyez, voyez, dit-il, c’est vous qui avez écrit cela, Laurence ; c’est à moi que vous écriviez : Je t’aime… si tu étais là !… Eh bien, Laurence… je suis là… je suis à tes pieds !… Si tu voyais mes larmes ! Laurence, et tu pleures !… Oh ! comme je t’aime ! Tu as écrit ce mot, Laurence… oh ! dis-le maintenant… C’est moi, Laurence, c’est moi… oh ! dis-moi donc enfin que tu m’aimes !

— Je ne vous aime plus.

— Tu mens !

— Lionel !…

— Je ne crois plus à ta froideur ; tu m’as dit qu’elle était trompeuse… Oh ! rends-moi ton amour ! reprends à la vie…

— C’est impossible… j’ai trop souffert… mon cœur est mort.

— Et pourquoi pleures-tu ?

— Parce que je suis malheureuse.

— Malheureuse aujourd’hui ! mais hier, vous étiez brillante, vous n’avez fait que rire…

— Oh ! que je m’ennuyais ! dit-elle ; ce n’est pas là la vie que j’avais rêvée !… Que Paris est triste !… Ô mon pauvre vieux château, que je te regrette !… Quels doux moments j’y ai passés les jours où vous deviez venir !… c’était le bon temps !… hélas ! il est perdu… perdu pour toujours !…

— Non ; l’amour peut nous le rendre encore. Laurence ! ma douce Laurence ! ce serait affreux de renoncer à vous, le jour où j’apprends à quel point vous m’avez aimé ! Oh ! revenez à moi ! Quittez ce caractère factice qui vous fait perdre votre grâce. Vous n’êtes point née pour être une coquette vulgaire… Votre cœur est si noble, si pur ; revenez à l’amour, l’amour est votre vie, Laurence : revenez à moi !…

Elle lui tendit la main ; elle pleurait et n’osait le regarder : elle était si émue, qu’elle ne pouvait parler ; sa passion se réveillait, terrible et menaçante ; ses émotions venaient l’assaillir : une si longue contrainte avait doublé leur force. Ses souvenirs se précipitaient bouillonnants, tumultueux, comme les flots écumants que retenait captifs une écluse et qu’une liberté subite rend à leur cours interrompu…