Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/479

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
473
DE PONTANGES.

Devinez donc qui vint troubler le dangereux tête-à-tête de madame la marquise de Pontanges et de Lionel de Marny ?

Précisément la personne qui devait leur être le plus désagréable et que leur émotion devait le plus inquiéter,

Madame de Marny.

Au plus touchant de leurs amours, on annonça :

Madame de Marny.

La jeune femme, qui était grosse de huit mois, s’avança lentement, avec embarras…

Sa vue produisit sur Laurence le même effet que l’aspect du marquis de Pontanges avait fait autrefois sur l’imagination de Lionel.

Ce fut un complet désenchantement.

Certes, cela était peut-être dramatique… mais romanesque, point… Sa femme !… sa femme grosse de huit mois !…

— Bonjour, madame, dit Laurence subitement remise de son trouble. Que vous êtes bonne de venir me voir, souffrante comme vous êtes !

— Madame, dit le valet de chambre qui avait annoncé madame de Marny, voici le coiffeur.

— Déjà ! quelle heure est-il donc ?… Qu’il attende un instant, dit madame de Pontanges.

— Vous alliez faire votre toilette… je suis venue trop tard. Je vous gêne ?…

— Non pas vous, mais votre mari, dit madame de Pontanges en souriant. — Monsieur de Marny, je vous chasse, ajouta-t-elle. J’ai du monde à dîner, je suis en retard… Je garde votre femme ; elle me donnera des conseils sur ma coiffure. Elle a si bon goût !… Au revoir ! Vous irez à l’Opéra, n’est-ce pas ?

— Oui, madame.

Lionel sortit sans regarder ni Laurence ni sa femme ; il n’était pas encore revenu de son émotion, lui, et il ne pouvait pardonner à madame de Pontanges d’avoir si vite maîtrisé la sienne… il étouffait de colère… Sa femme… sa femme… qu’il la maudissait en ce moment !