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MONSIEUR LE MARQUIS

Il monta dans son tilbury. Quel vigoureux coup de fouet reçut son cheval alezan !… Le cheval favori, toujours si doucement mené, se cabra et faillit tout briser. Il allait s’emporter, mais Lionel le retint ; la colère lui donnait de la force. M. de Marny rentra chez lui sans accident.

— Comme monsieur a l’air de mauvaise humeur ! dit la femme de chambre qui le rencontra dans le vestibule… C’est bon… voilà madame qui va encore passer toute la nuit à pleurer.

Pendant ce temps, Clémentine assistait à la toilette de madame de Pontanges… Elle contemplait avec envie les flots de cheveux qui tombaient sur les épaules de Laurence et que son coiffeur relevait habilement.

— Quels beaux cheveux !

— Les vôtres sont charmants ; je ne sais pourquoi vous admirez tant les miens… Est-ce mademoiselle Baudrand qui a fait votre chapeau ? il vous va à merveille.

— Oui, c’est d’elle.

— Vous irez ce soir à l’Opéra ?

— Non, je ne crois pas.

La pauvre jeune femme prévoyait bien qu’il y aurait de l’orage chez elle ce soir-là, et que d’ailleurs son mari n’aurait nullement le désir de l’emmener à l’Opéra.

— Pourquoi n’iriez-vous pas ?

— Je suis un peu fatiguée.

— C’est vrai, je vous trouve le visage altéré… il faut vous ménager…

— Adieu, madame, dit Clémentine en se levant. Vous êtes coiffée à ravir. Je vous promets de grands succès pour ce soir. Vous allez au bal ?

— Oui… À bientôt, continua madame de Pontanges ; j’irai savoir de vos nouvelles. J’ai peur que cette aimable visite ne vous fasse mal… Au revoir.

Madame de Marny sortit.

— Pauvre enfant ! pensa Laurence quand elle se trouva seule, le ciel t’a inspirée en t’envoyant vers moi… Qu’allais-je faire ?… Ah ! c’était une action indigne… lui enlever son mari… dans l’état où elle est… Et lui ! il aurait abandonné