Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/492

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
486
MONSIEUR LE MARQUIS

porte du salon où était Valérie… hélas ! la seule fille qui lui restât !…

La sœur de Clémentine, ne voyant pas rentrer son père de toute la nuit, s’était alarmée, et dès le jour elle était accourue ; elle n’osait pénétrer dans la chambre de l’accouchée, mais elle attendait en silence de ses nouvelles.

En entendant le mot prononcé par Lionel : « Morte ! » Valérie s’était évanouie ; on s’empressa autour d’elle. M. Bélin, les médecins, les femmes qui servaient madame de Marny, tous s’élancèrent pour porter secours à Valérie.

Sa pauvre sœur n’avait plus besoin de personne.

Lionel seul resta près de la morte. Son désespoir était affreux, ses sanglots étaient déchirants. Dans ce moment terrible, ses regrets l’absorbaient tout entier, sans que rien les profanât. Clémentine régnait toute-puissante à cette heure dans sa pensée… elle dominait tout son cœur… Il avait rêvé sa mort la veille… et dans ce moment, il aurait donné mille fois son sang pour la ranimer… Sa passion si violente, il l’avait oubliée !… Ô merveille ! ô sublime solennité de la mort ! il pleurait ce qu’il avait maudit… il aimait celle qu’il avait trahie !… il n’imaginait pas qu’il y eût une autre femme au monde… et dans cette chambre funèbre, au pied de ce lit de douleur, pas une voix dans son cœur n’osait lui crier :

tu es libre !


XVIII.

MAIS LE LENDEMAIN.


Le lendemain, son amour s’était ranimé, il avait retrouvé l’avenir.

Et pourtant le désespoir de Lionel était puissant encore… les sentiments les plus étranges l’agitaient. Il pleurait toujours Clémentine, mais il la pleurait avec reconnaissance, avec adoration, comme une femme qui s’était sacrifiée pour lui ; il l’aimait, il la bénissait dans sa pensée, mais il n’aurait plus donné sa vie pour lui rendre l’existence…

On ne put l’arracher de la chambre où sa femme était morte ;