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DE PONTANGES.

il resta près de son lit toute la journée du lendemain. Sa douleur avait quelque chose d’agité, de fébrile, de bizarre, qui faisait craindre pour sa raison.

Ce n’était pas cette douleur immobile et découragée qui n’attend plus rien des jours ; c’était un désespoir ardent qui semblait lui donner une existence nouvelle.

Il marchait à grands pas dans la chambre silencieuse, comme un homme occupé de vastes projets.

Son visage, d’une pâleur effrayante, s’illuminait tout à coup d’une rougeur inaccoutumée.

Il disait des mots sans suite ; il ne pouvait tenir en place. Les gens qui le voyaient ainsi le croyaient fou.

Tantôt il tombait à genoux près du lit mortuaire, et, s’abandonnant à son affliction, il demandait pardon avec des paroles déchirantes à la femme dont il avait souhaité la mort.

Dans d’autres moments, il la pressait sur son cœur avec transport. Il lui prodiguait des caresses inutiles, de doux noms sans écho… Il était pour elle tout passion et reconnaissance. Il couvrait de baisers son front pâli, ses mains glacées, sa bouche muette… Il l’aimait d’un amour délirant ; et peut-être, si tant d’amour avait pu ranimer Clémentine, il l’aurait maudite, il l’aurait fuie avec horreur…

Une fois, dans son délire, il appela Laurence !… et il jeta autour de lui un regard farouche, comme pour voir s’il n’y avait là personne pour l’espionner.

Cet homme avait l’esprit malade, je vous l’assure.


XXIX.

LE SURLENDEMAIN.


Le jour de l’enterrement, il fut encore plus triste. L’aspect de ces deux cercueils, de ces deux morts si jeunes, lui déchira le cœur… Et puis son enfant aussi, il regrettait son enfant !

Il passa le reste de ce jour chez M. Bélin ; il eut pour lui et pour Valérie les plus tendres soins.

Valérie était si touchante dans ses regrets !…