Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/77

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naliste, un folllliculaire, un libellliste !… Savez-vous ce que c’est qu’un journaliste, mon ami ? c’est un homme qui vit d’injures, de caricatures et de calomnies, pour qui rien n’est sacré, qui se moque de votre femme, de votre nez, de votre perruque, de vos discours, de vos actions, de vos infirmités, qui ne voit dans un événement que le bon mot qu’il inspire, qui dévoile les secrets de votre ménage pour s’en moquer, qui fait des pointes sur les désastres, des calembours sur les fléaux, des quolibets sur votre mort et des pochades sur votre enterrement ; un monstre, enfin, qu’on devrait bannir de l’ordre social ; et j’aimerais mieux donner ma fille à un galérien… oui, monsieur, à un galérien, que de lui voir épouser un journaliste !

« De mieux en mieux, pensa M. de Lorville ; maintenant il me faut savoir qui va dédaigner le journaliste. »

Et quoiqu’il fût bien décidé à ne pas acheter cette maison, il témoigna au propriétaire le désir de visiter les autres appartements.

M. Renaud parut alors embarrassé : — C’est absolument la même distribution partout, dit-il d’un air contraint.

Mais voyant M. de Lorville décidé à monter jusqu’au comble : — Pardon, ajouta-t-il, je vais dire au portier de vous accompagner là-haut, si vous voulez bien le permettre… C’est qu’au troisième… demeure une personne… avec laquelle je suis un peu en délicatesse, et que je ne me soucie pas de voir en ce moment ; mais je puis vous dire cela, continua-t-il d’un ton confidentiel ; c’est la veuve d’un maître maçon, qui voudrait se remarier, vous comprenez ; et elle est assez belle, en vérité, et ne manque pas de fortune ; mais vous concevez qu’un honnête avoué, qu’un homme dans les affaires comme moi, ne peut succéder à un maître maçon.

Étourdi de ce quatrième dédain si inattendu, M. de Lorville sentit son sérieux l’abandonner, et pour dissimuler sa gaieté, il franchit rapidement l’escalier du troisième étage, sans écouter le propriétaire, qui lui criait d’attendre son conducteur.

Edgar ne s’arrêta que peu d’instants chez la veuve du maçon. Cette visite ne lui offrit rien de remarquable, si ce n’est un béret de velours bleu de ciel et un collier de corail que la veuve coquette avait mis à la hâte pour le recevoir, et le soin