Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
LE VICOMTE DE LAUNAY.

mademoiselle Mars. Eh bien, il y avait beaucoup de monde. Ô bon public de septembre, je te reconnais là ! — Une douce voix peut encore te séduire, parce que tu ne l’as pas trop entendue la veille.

Les œuvres littéraires n’offrent rien de nouveau ; il y a disette dans les cabinets de lecture. George Sand se repose de ses procès ; M. de Lamartine préside le conseil général de son département. Muses, pardonnez-lui ! Jules Janin s’en est allé paisiblement à la campagne ; semblable à saint Louis, il rend la justice assis au pied d’un chêne : c’est de là qu’il juge les pièces nouvelles qu’on représente à Paris, au Gymnase, à l’Ambigu, au Vaudeville. Là, ses arrêts ne sont influencés par rien, pas même par la présence de ceux qu’il condamne, et ses feuilletons n’en sont ni moins justes ni moins piquants. Que l’on dise, après cela, que cet homme manque d’imagination ! Alfred de Musset fume et se promène ; Hyacinthe de Latouche cherche l’ombre des bois ; tous les esprits sont en vacances. Quant à nos élégants, les jours où il pleut, ils s’amusent à parier, à jouer. L’un d’eux a, dit-on, gagné cent cinquante mille francs la semaine dernière. Pauvre jeune homme !

Le monde élégant n’est pas encore organisé pour les plaisirs. Les ambassadrices ne sont encore revenues que pour leurs amis. Quelques maîtresses de maisons influentes sont déjà de retour, mais chez elles point de grandes réunions. Les rideaux des grands salons ne sont pas encore posés, les lustres sont toujours voilés, la housse mélancolique cache toujours les fauteuils d’or ; le papillon est encore dans sa chrysalide ; mais patience, voici venir les fêtes, la fatigue et l’ennui. Les causeries intimes sont nos seuls plaisirs de salon. Des récits de voyages, des questions empressées, des réponses distraites, sont les seuls aliments de la conversation. — Madame une telle est-elle de retour ? — Oui, elle est arrivée hier, je l’ai vue ; elle est noircie, elle est affreuse. — Et sa sœur ? — Sa sœur est toujours jolie ; cependant elle est engraissée ; cela ne lui sied pas. — Je voulais, en revenant de Wiesbaden, m’arrêter à B… chez Clémentine ; mais je n’ai pas pu, j’étais en retard. — Ne le regrettez pas, elle est à Paris. — Déjà ? mais elle n’y revient