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LETTRES PARISIENNES (1837).

et vos injustices ont des abonnés. Si l’un de vous s’écrie : Ceci est beau, on lui répond : Tu es payé pour le dire ; si l’autre dit : Ceci est mal, on lui répond : Tu n’en sais rien ; un ennemi n’est pas un juge. Vous ne pouvez louer un acte du pouvoir sans être traité de valet ; vous ne pouvez évoquer un souvenir de l’exil sans être traité de rebelle ; votre voix… vous l’avez promise ; votre nom… vous l’avez donné. Chose étrange ! vous ne pouvez plus dire la vérité sans parjure ; vous ne pouvez plus être sincère sans devenir déloyal ! Vous ne pouvez pas, comme nous, signer dans la même page ces deux éloges opposés :

« La statue de Jeanne d’Arc sculptée par la princesse Marie est un chef-d’œuvre de grâce et d’inspiration. Ah ! si l’auteur de cette belle composition s’appelait mademoiselle Leblanc ou mademoiselle Lenoir, ou mademoiselle Lefebvre, quelle superbe réputation d’artiste on lui ferait ! N’importe, il y a bien de la poésie dans cette image : une fille de France consacrant ses jours oisifs au souvenir de la fille des champs qui sauva la France ! Nous rêvons maintenant un gracieux tableau : la princesse Marie travaillant à la statue de Jeanne d’Arc. »

On nous écrit de Vienne : « J’ai vu Mademoiselle : vous ne sauriez imaginer une plus charmante personne, belle, spirituelle, de la manière la plus agréable. Vous pouvez me croire quand je dis cela, car je suis très-difficile en esprit ; vous savez pourquoi. »

Voilà deux éloges que nous osons faire, nous, parce que nous sommes libre. Ah ! nous vous plaignons d’avoir tant de graves considérations qui vous empêchent d’être justes, qui vous privent du plaisir de vanter ce qu’il y a de plus doux à vanter au monde, l’esprit et le talent, la candeur et la beauté.

Il y a quelques jours aussi, nous nous sommes sincèrement réjoui de pouvoir admirer, sans nous être suspect à nous-même, ce beau monument que nous appellerons Versailles sauvé ; car c’est en cela que la pensée est deux fois généreuse et belle : ce n’est pas seulement un Versailles nouveau qu’on vous donne, c’est le Versailles de Louis XIV que l’on vous rend ; c’est le palais du grand roi que les rats et les députés allaient détruire, et que Louis-Philippe a sauvé. Sans doute, il