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LE VICOMTE DE LAUNAY.

est fâcheux de voir des murs en bois de chêne, dans ce temple de l’orgueil, où le marbre seul était admis ; sans doute, ce réfectoire de maréchaux n’a pas la splendeur des salons dorés du premier étage ; mais à qui la faute ? ce n’est pas celle du roi, c’est celle du siècle ; nous ne laissons pas à nos rois le temps de bâtir en marbre, nous ne leur laissons plus prendre à l’État ce qu’il leur faudrait d’or pour en couvrir les murs de leur palais. Versailles aujourd’hui n’est plus l’œuvre de la munificence d’un monarque, c’est le fruit de ses économies ; toute la grandeur de la royauté moderne est dans ce mot. En surveillant les travaux de Versailles, Louis-Philippe disait chaque jour : « Pourvu qu’ils me laissent le temps de finir cela ! » Ils, c’étaient les assassins ; toute la stabilité du trône moderne n’est-elle pas aussi dans ce mot ; et croyez-vous qu’il soit possible de bâtir des palais en marbre et de sculpter des lambris d’or avec un budget de roi-citoyen, entre la machine infernale de la veille et les coups de pistolet du lendemain ? Le premier devoir d’un souverain, c’est de comprendre son époque ; le premier devoir d’un monument, c’est de la représenter. Il nous semble qu’en cela Louis-Philippe et le nouveau Versailles ont bien rempli leur devoir. Ce n’est pas leur faute si l’époque n’est pas plus belle, si de nos jours les pâtes ont remplacé les moulures, si le carton-pierre remplace le bronze, si les députés chauves remplacent les ambassadeurs à longues perruques, si les fracs de drap remplacent les habits de velours, si les cravates noires remplacent les jabots de dentelles, si les petits nez camards remplacent les grands nez aquilins. Ce qu’il y a de beau à Versailles, c’est précisément le mélange de toutes ces choses. C’est tout le passé et tout le présent. C’est ce ravissant portrait de Marie-Antoinette, dont la République avait déchiré la toile ; ce sont ces grandes batailles de l’Empire, que la Restauration avait cachées ; c’est enfin cette pensée qui vient aux esprits indifférents en parcourant ces galeries : « Deux réactions d’un jour !… et pas un de ces tableaux n’y resterait ! »

À propos de batailles, nous avons vu hier soir, à Tivoli, un superbe tournoi ; voilà une fête amusante, à la bonne heure ! De beaux chevaliers avec de belles armures, des écuyers, des hérauts d’armes, des pages, des varlets ; et puis des chevaux, de