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LE VICOMTE DE LAUNAY.

abord une mauvaise plaisanterie ; mais quand on l’examine, il paraît moins absurde ; peut-être même qu’avec de l’esprit, il ne serait pas impossible de le soutenir sérieusement ; mais cela ne nous regarde pas.

Voici maintenant une quatrième et dernière classification que le ballet nouveau nous a naturellement rappelée, et pour laquelle nous avons cru devoir parler des trois autres. Il y a bien longtemps que l’on a classé les hommes par rangs d’animaux. Chacun de nous, dit-on, tient d’une bête quelconque, plus ou moins féroce, plus ou moins intelligente ; nous avons chacun dans le visage un trait caractéristique remarquable qui correspond au trait caractéristique d’un animal quelconque. Vous tenez de l’aigle, monsieur tient du chacal, madame ressemble à une fouine ; mademoiselle ressemble à un écureuil. Cette opinion est consacrée, et beaucoup de gens ont le droit de la partager ; mais un de nos amis, partant de ce principe, a posé la question d’une façon plus absolue. Selon lui, l’espèce humaine est composée de deux grandes races bien distinctes, savoir : les chiens et les chats. Il ne prétend pas dire par là que nous vivions ensemble comme chien et chat ; au contraire, il admet la sympathie entre les deux races : elles sont différentes, mais.elles ne sont pas ennemies ; il s’explique de la sorte : L’individu appartenant à la race chien a toutes les qualités de cet animal, la bonté, le courage, le dévouement, la fidélité et la franchise ; mais il en a aussi les défauts, la crédulité, l’imprévoyance, la bonhomie, hélas ! oui, la bonhomie !… car la bonhomie, qui est une vertu de cœur, est un défaut de caractère. L’homme-chien proprement dit est plein de qualités solides, mais en général il manque d’adresse et de charme. L’homme-chien est rarement séducteur ; il est destiné aux emplois sérieux ; sa vocation le porte aux états qui demandent du courage, de la franchise, de la probité ; l’homme-chien fait toujours un bon soldat ; la race de l’homme-chien fournit les meilleurs maris et les meilleurs domestiques, les amis sincères, les bons camarades, les dupes sublimes, les héros, les poëtes, les philanthropes, les notaires fidèles, les épiciers modèles, les commissionnaires, les porteurs d’eau, les caissiers, les garçons de banque et les facteurs de la poste ;