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LE VICOMTE DE LAUNAY.

la seule fantaisie d’affection que puisse admettre l’égoïsme de notre siècle, une société pour laquelle on n’est obligé de faire aucun frais, un favori qui ne tient pas à être aimé.




ANNÉE 1840.


LETTRE PREMIÈRE.

La fin du monde. — Les étrennes. — Le commerce devenu littéraire.
Les huit premiers jours de l’année.
4 janvier 1840.

Les avis sont très-partagés au sujet de l’année 1840 : les uns prétendent que cette année sera fatale, qu’elle verra la chute de grands empires ; les autres soutiennent au contraire que c’est une ère nouvelle de liberté, de fraternité, de béatitude, de régénération universelle. Le peuple ne croit à rien de tout cela ; il croit simplement à la fin du monde, et cette conviction en vaut bien une autre ; c’est celle que, pour notre part, nous préférons adopter et propager ; elle nous semble devoir concilier bien des inimitiés et favoriser bien des combinaisons politiques.

Toutefois, il nous semble aussi que le monde est beaucoup trop peuplé pour un monde occupé de finir. Jamais nous n’avons rien vu de plus effrayant que l’aspect des boulevards mercredi dernier ; jamais foule plus agitée n’avait circulé dans Paris : — processions de vieillards se chauffant au soleil, — cortèges de femmes empanachées, — bandes de laquais en livrée, — nuages de dandys enfumés, — chœurs de commissionnaires chargés de paquets, — peuple d’enfants armés de joujoux, poussant des cris de joie ; — meutes de chiens en délire, sautant dans les airs pour saisir les sacs de bonbons… Quel bruit ! quel mouvement ! quel beau soleil au ciel et quelle affreuse boue sur la terre !… et des femmes élégamment vêtues couraient sur ces pavés noirs avec de légers souliers et compromettaient dans cette cohue leur plus fraîche parure. Il