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LETTRES PARISIENNES (1840).

avons vu avec peine que depuis cette heureuse époque ce chanteur de sensibles romances a beaucoup perdu de sa voix. Alors M. Monnier était sans Sizeranne. Il s’appelait Monnier tout simplement ; il s’appelait aussi Henri, et cependant, hélas ! tout en se nommant Henri et Monnier, ce n’était point Henri Monnier. Cette ressemblance de nom causa un soir un grand désappointement dans un salon où nous étions. On nous avait dit : « Venez ce soir chez madame de C… ; il y aura peu de monde, ce sera charmant. Un de ses amis doit lui amener M. Henri Monnier. » À ce nom, tous nos projets sont dérangés. Adieu les visites importantes ; plus de devoir rigoureux ; pour entendre un proverbe de Henri Monnier, lu par lui, tout est oublié : car, dans ce temps-là, ses proverbes si spirituels n’étaient connus que de ses amis ; on ne les avait encore joués sur aucun théâtre, ils n’étaient pas même imprimés. Dans notre, empressement, nous, nous disons à tous ceux que nous rencontrons : « Venez donc ce soir chez la duchesse de C… » Tout le monde vint… mais au lieu d’entendre Henri Monnier lisant un proverbe, on entendit M. Monnier Henri chanter avec un goût parfait cette romance bien connue dont voici le premier couplet :

Dans la foule, Olivier, ne viens pas me surprendre,
Ta voix me fait trembler.
Sois là, mais sans parler,
Je saurai te comprendre.

Ah ! malgré nous, en écoutant l’autre jour, à la Chambre, le discours de l’éloquent orateur, nous avons répété en refrain ces vers modifiés par les circonstances :

À la Chambre, Olivier, ne viens pas nous surprendre,
Ta voix nous fait trembler.
Sois là, mais sans parler,
Etc., etc., etc.

Les voyageurs qui arrivent à Paris se plaignent amèrement des nouveaux règlements de la poste. Ce sont des comptes interminables auxquels on ne comprend rien, si ce n’est qu’on y perd. On passe à faire des additions un bon quart d’heure à chaque relais ; quand la route est longue, on se trouve avoir donné, dans le cours du voyage, une journée entière à cet