Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/118

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Les durs soldats campés dans les champs saccagés
Meurtrissaient pesamment l’herbe surnaturelle :
Les hérauts effrayaient de leurs cris étrangers
Les fabuleux oiseaux qui gardaient la tourelle.

Et des cavaliers dans l’occident enflammé,
Secouant les crins d’or des casques héroïques,
Semblaient en élevant au ciel leur bras armé
Attiser le soir rouge avec leurs longues piques.

Des troupeaux de lions et des griffons domptés
Leur faisaient une horrible et fastueuse escorte.
Des tigres bondissaient sous leurs fouets enchantés,
Et des lionnes se ruèrent sur la porte.

Maintenant les guerriers anxieux et les rois,
Las d’assaillir en vain des pierres merveilleuses,
Du haut de la colline appellent par trois fois
Le prince prisonnier des fleurs victorieuses.

« Nous sommes, disent-ils, tes frères oubliés,
Ceux que ta voix, pareille au clairon des archanges,
Guidait jadis, par les landes et les halliers,
Vers la moisson guerrière et les rouges vendanges.

« Souvent, quand tu chantais tes puissantes chansons,
Nous vîmes dans le ciel de la nuit froide et noire
Au loin resplendir l’or fabuleux des toisons,
Et nous sentions dans l’air une odeur de victoire.