Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/135

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Tu semblais annoncer les neiges aux prairies
Et proclamer, mon doux et funèbre sonneur,
L’automne de l’amour et la mort du bonheur.

Le Prince.
Hélène, Hélène, vers les mers orientales,

Vers les jardins aimés et les forêts natales
Nous partirons avec des lilas dans les mains,
Et d’enfantines fleurs le long des clairs chemins
Neigeront sous les doigts épris des fiancées…
Pourtant voici qu’un glas de mauvaises pensées
Retentit longuement dans mon âme, et j’entends
Une voix d’ironie insulter le printemps.
Pardon, pardon, ma blanche et joyeuse princesse,
Car près de toi je songe à l’antique sagesse
Des centaures lointains qui m’aimaient autrefois ;
Je me souviens des soirs fabuleux, dans les bois
Réveillés par les cors d’étranges chasseresses ;
Je songe aux nuits où les grandes enchanteresses
Cueillaient les fleurs de mort éparses sur les monts.
Je le sais bien, je le sais bien, nous nous aimons
Et nous marchons parmi les princes de la terre,
Mais mon désir s’en va toujours vers le mystère
Du pays merveilleux que je n’ai pas foulé,
Et même près de toi je me sens exilé.

Hélène.
Quand nous rêvions parmi les treilles endormies,

N’aviez-vous pas laissé vos tristesses amies