Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/192

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rohil. Mais parmi le tumulte désespéré de la foule les deux fiancés divinement élus l’un par l’autre s’avançaient, les mains unies, et leurs lèvres, victorieusement, se touchèrent.

Des fêtes commencèrent le lendemain. Malgré les vins précieux jaillissant en fontaines sur les places, s’épandant par les campagnes en dédaigneux ruisseaux ; malgré les saphirs et les chrysoprases qu’on fit jeter comme des graines dans les sillons ; malgré les tonnes d’or négligemment éventrées aux carrefours, les jeunes hommes de Sirinagor assistèrent tristement aux noces. Ils aimaient la reine d’un tel amour qu’ils se détournèrent par jalousie des fontaines de vin, et des champs semés de pierreries, et des carrefours encombrés d’or. Moroses, ils s’asseyaient au seuil du palais et ils ne pensaient plus rien, sinon que la reine allait partir.

Quand elle partit, fièrement assise sur son char près du roi qu’elle aimait, le peuple l’accompagna de longs sanglots. Des hommes, stupidement, entouraient de leurs bras l’encolure des chevaux qui traînaient le char et ils mordaient de furieux baisers les crinières blanches. D’autres, saisissant dans le vent le