Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/194

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quement pâli sous un fixe regard d’Halyartès, il s’oublia près de la bien-aimée en de mornes rêveries, et son bras s’écarta, comme honteux, des reins de l’épouse. Elle se penchait vers lui, la reine conquise, et, baisant lentement les lèvres de son époux, elle murmurait de salutaires paroles : « Qu’importe, puisque je t’aime ? » Mais le roi semblait captif de quelque noir enchantement. Certes, il avait par mille folies manifesté un immense amour. Mais plus il adorait la reine, plus il s’émerveillait d’elle, et plus il rêvait douloureusement à des choses que nul ne devinait. Les courtisans commençaient à murmurer que des philtres étrangers avaient troublé sa raison. Comme s’il avait voulu fuir d’inévitables spectres, il criait sans cesse, incliné vers les cochers : « Plus vite, plus vite encore ! »

Déjà ils étaient sortis des foules tristes. De ceux qui suivaient avidement la fuite nuptiale presque tous avaient succombé. Les uns après les autres ils étaient tombés au bord des routes, sans mouvement. Les montagnes bactriennes apparaissaient. Bientôt sans doute on entrerait dans la ville par la Porte-des-Fêtes et on ne se souviendrait même plus de l’obsédant cortège.