Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/198

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des captifs chancelait sous l’injurieuse blessure d’un enfant. Comme la flèche avait été tirée de très près, elle traversait la poitrine de l’étranger, clouait son corps au vantail de la porte. Et l’homme restait là, debout, colossal, effrayant. Ses mains, dans les convulsions dernières, battaient la porte ; il semblait vouloir la clore à jamais, par vengeance ; et comme Phërohil s’avançait, l’homme assassiné se roidit vers lui comme pour le chasser et le maudire.

Alors le roi s’arrêta, dans une lassitude désespérée. Comme s’il n’osait plus entrer maintenant dans cette ville où des douleurs surgissaient au seuil de chaque porte, il s’enfuit follement vers les campagnes. Mais sur les routes, parmi les cailloux et les ronces, râlaient encore des jeunes hommes de Sirinagor. Ces mourants effrayaient le roi comme des fantômes ; il n’osait pas violer les chemins que défendait leur agonie. Il retournait sans cesse sur ses pas, hagard, éperdu, ainsi qu’un cerf traqué par des meutes.

Tout à coup il se jeta dans l’unique route déserte, dans la sombre route qui conduisait à la Montagne-des-Funérailles. Affolés, des courtisans le poursuivaient, l’appelaient, l’im-