Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/208

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dins voler des fruits et piller des ruches. Et tout à coup, sans comprendre, dans la claire campagne il avait envie de pleurer et de se cacher. Bien souvent il s’enfuyait hors des routes, des villages, dans la forêt où jadis on l’avait trouvé. Une vaste paix descendait sur lui ; les branches amies le frôlaient de bonnes fraîcheurs, il lui semblait que des mains guérisseuses s’imposaient sur son front. Silencieusement il s’asseyait en un lieu de lumière, au bord d’un lac si profondément imprégné d’antique clarté qu’il semblait garder entre ses rives une eau merveilleuse de cinabre et d’or. Stellus restait là, sans rêve, sans désir, s’enivrant d’écouter le vent. D’abord il n’avait entendu qu’un bruit monotone et confus épandu sur tout le pays. Bientôt il sut distinguer le frisson de chaque bois, de chaque ramure. Puis il discerna des sons inouïs, surnaturels, pareils à des chants de fileuses féeriques, pareils à des soupirs de flûtes célestes. Et cette rumeur du vent avait un miraculeux pouvoir. À mesure qu’il écoutait, Stellus sentait surgir en lui des pensées nouvelles. Il comprenait, il savait, il voyait vivre la forêt ; il voyait l’âme ineffable des arbres, des herbes et des eaux ;