Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/211

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grondait derrière ces envahisseurs qu’ils achevaient les blessés pour les soustraire aux tortures expiatoires que l’ennemi leur eût sans doute infligées. Et afin que nul ne fût pris vivant, les soldats dans la bataille se liaient les uns aux autres avec des chaînes. Mais une force mystérieuse poussait Stellus à combattre seul. En vain il voulait se rapprocher de ses frères d’armes ; une invincible puissance l’écartait. Dans les nuits d’alarmes, il galopait seul vers les postes périlleux ; il fut le solitaire porteur de torches qui explorait les bois barbares ; il fut le défenseur unique des arrière-gardes, celui qu’on laissait derrière soi comme une martiale offrande aux dieux guerriers pendant la fuite des rois et des capitaines. Et pourtant comme il aurait voulu se mêler à ses compagnons, boire avec eux dans les coupes volées le vin des pillages, chanter avec eux autour des bivouacs ! Comme il enviait ceux qui, les veilles de massacres, dormaient ensemble sous les toiles claquantes des tentes leur sommeil fraternel ! Mais jamais il n’eut de compagnons. Il songeait aux jours des premières batailles : « Sans doute, étant de race noble, je ne puis me plaire parmi les soudards ; je serais heureux