Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/236

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heureuse, une lumière légère qui frôlait les hautes maisons, piquées, par places, de vitres d’or. Et une joie de jeunesse vivait dans l’air.

Plus morose alors d’avoir par la fenêtre ouverte respiré le matin, Pierre se hâtait. Puisqu’il fallait partir, mieux valait la fuite rapide sans vaines contemplations. Vivre à Paris en une féconde oisiveté d’artiste, c’était maintenant un rêve impossible. La fortune s’en était allée et Ruimond savait bien qu’il ne pourrait se résoudre à gagner au hasard des besognes ce qui lui était nécessaire. D’ailleurs un ordre du père rappelait Pierre impérieusement. Et cette femme à peine entrevue et déjà aimée invinciblement, il ne la reverrait plus. Elle retournerait au pays des songes, cette blanche et lente Marguerite qui lui était apparue. Il n’aurait pas eu le temps de la charmer et de la prendre ; il fallait s’en aller sans lui avoir parlé et la laisser s’effacer, celle qui eût été la bien-aimée, là-bas, au lointain de la vie.

On frappa. Il y eut un bruit de pas et de voix ; des hommes en blouse chargèrent sur leurs épaules des bagages. Puis Ruimond descendit.