Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/239

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soutenue par de sveltes consoles de bois. De longs rideaux de laine blanche pendaient à l’extérieur des fenêtres, le long des grilles. Au-dessus de la porte armée de ferrures, l’enseigne commerciale de Robert Ruimond grinçait à une barre. Et dans l’ombre de l’enseigne un blason sculpté dans la pierre s’écaillait. Toute la maison avait des crevasses pleines d’herbe ; sur les murs, au vantail de la porte, s’étalaient des blessures de balles faites au temps des anciennes guerres.

Pendant le dîner une servante en deuil, le visage enseveli dans une cape profonde, servit silencieusement. Pierre, d’abord volontairement bavard, se sentait gagné peu à peu par la quiétude étrange de cette maison. Dans la haute salle presque vide que les candélabres éclairaient mal, il se sentait devenir timide. Il baissait la voix de plus en plus et regardait autour de lui par intervalles, comme hésitant à parler.

Sa sœur, surtout, le glaçait. Il ne l’avait pas vue depuis six ans et il avait encore en sa mémoire une image de petite fille rieuse et bruyante. Maintenant il ne reconnaissait pas cette grande vierge pâle. Il lui semblait que les traits mêmes de Magdeleine s’étaient trans-