Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/244

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portes hautaines et surannées quelque merveilleux cortège était parti qui ne reviendrait plus jamais.

Pierre marchait lentement le long des rues. Malgré la brise d’été et le ciel éclatant, et la clarté qui montait de la mer, il se sentait le cœur serré d’angoisse. De partout, des murailles assaillies par les lierres, des portes mutilées, des fenêtres muettes, une mélancolie lui venait qu’il ne comprenait même pas. Car il regardait à peine. La curiosité en lui était abolie. Même il ne conservait pas l’obscure sensation de vivre en terre étrangère. Nul détail exotique ne sollicitait son attention d’artiste. Il marchait sans voir, comme en pays connu, habituellement contemplé depuis toujours. Seulement, comme il savait mal l’espagnol, les hommes, à cause des paroles incomprises et des gestes inexpliqués, lui semblaient plus différents de lui, plus près de l’animalité. Cette conception antique, le barbare, s’éveillait en son esprit. Et il regardait parfois se mouvoir les gens comme des bêtes lointaines.

Dans cette solitude d’âme le souvenir de l’absente bien aimée se faisait plus puissant.