Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pas une heure ne se passait sans qu’il songeât à Marguerite. Il se remémorait d’infimes événements, il respirait en rêve d’imperceptibles parfums évoqués d’elle, il descendait à d’inavouables puérilités de pensée. Il aimait davantage maintenant à cause de l’exil. Sa détresse le faisait plus tendre, et toutes ses idées s’humiliaient devant une douloureuse vision d’amour.

Chaque jour ses promenades dans le silence de la ville en agonie aggravaient son mal. Vers le soir il rentrait plus profondément blessé de regret. Pourtant venait une heure plus calme. Dans la maison, par la fenêtre de la salle affluaient de bonnes senteurs marines, une lumière de paix ruisselait du ciel. Pierre s’asseyait avec son père près de la vieille table de chêne. Tous deux buvaient un peu d’âpre vin et causaient de choses très banales. Alors Pierre s’apaisait un peu, et il se laissait doucement guérir par le soir.

Mais Magdeleine entrait. Elle revenait de quelque église. Lentement elle ôtait la cape qui lui voilait les cheveux, selon la mode des vieilles du pays. Elle s’approchait de la fenêtre et, sans rien dire, elle contemplait d’un sévère