Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/272

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une espèce de frère lai, homme de prière et de songe, qui ne parlait jamais. Hélyas s’asseyait à l’immense table dans la salle, lentement envahie d’ombre. Il se sentait à la fois gêné et heureux d’être seul ainsi dans ce crépuscule et dans cette paix, et il frissonnait un peu d’une peur infiniment douce. Mais ce qu’il aimait surtout, c’était la chapelle. Là, il s’amusait à regarder sur le pavé comme une ardente neige multicolore les reflets moelleux des vitraux. Et ce n’était pas les ferveurs mystiques qui le poussaient vers le sanctuaire ; ce qui l’attirait, c’étaient les écharpes de l’autel, les bannières d’orfroi qui tremblaient aux clefs de voûte, les oriflammes éployées et tout le luxe presque guerrier des églises riches. Au retable de l’autel, un artiste ancien d’un génie violent et barbare avait sculpté un Saint Georges. Hélyas se prit d’une amitié pour ce Saint Georges. Il l’associait à des souvenirs de lectures ; car un hasard avait révélé à l’enfant quelques poèmes chevaleresques. Dès lors le Saint Georges de l’autel était devenu la visible incarnation des preux, des héros casqués d’or en marche vers les saintes aventures. Chaque jour, Hélyas venait vers l’autel comme pour prier. Mais son