Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/273

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esprit s’en allait vers les héros des vieux poèmes ; il demandait à Saint Georges des souvenirs d’épopée ; et la lance du cavalier semblait indiquer à l’enfant un Orient de Croisade, un Orient de splendeur et de sang vers lequel il fallait partir.

Quelquefois Hélyas avait parlé à ses camarades ou à ses maîtres de ce radieux et fabuleux passé. Mais nul, pas même un d’entre ceux-là qui portaient d’antiques noms chevaleresques, ne le comprit. Car il avait vraiment une mystérieuse façon d’aimer les âges abolis ; il ne les revoyait pas au loin comme des gloires étrangères ; sans cesse, il s’apercevait lui-même mêlé aux foules héroïques ; il revivait les siècles légendaires comme on revit des années d’enfance presque oubliées, et quand il lisait une chanson de geste il croyait obscurément se remémorer des choses intimes et personnelles. Parfois aussi parmi les cortèges en armes il faisait surgir l’image de sa mère. Avait-elle réellement cette langueur de reine captive ? Semblait-elle vraiment, aux heures de l’habituel travail, avec les soies et les fils d’or préparer l’étendard de quelque croisade ? Hélyas n’aurait su le dire. Mais toujours il s’était ainsi représenté