Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/274

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sa mère, et en pensant à elle il se sentait plus proche de tous ses frères épars dans l’épopée.

Cependant Hélyas entra en adolescence et la crise de la chair vint changer ses rêves. Ses camarades du même âge que lui souffraient aussi de jeunes désirs ; le soir, sous les ormes des cours, ils se révélaient les uns aux autres les terribles divinités inconnues, les femmes. Quelques-uns qui avaient été au bal gardaient en leurs yeux l’éblouissement des splendeurs entrevues. Ils disaient les blancheurs mûres des épaules, l’or brutal des cheveux de blondes, la gloire violente des bouches. Mais tous à la découverte de la femme sentaient s’éveiller en eux une férocité. Furieux d’être trop jeunes, d’être captifs, d’être exilés des femmes, ils se vengeaient par des insultes. Avec une sorte de mystérieuse colère, ils prononçaient des paroles ignobles ; excités par la honte de se sentir vierges, ils étalaient des mépris, des brutalités ; ils ne parlaient des femmes qu’avec une grossièreté voulue, continuelle, inexorable, et ils affectaient en leur dépit un fanatisme d’obscénité. Mais Hélyas souhaitait l’amour très chastement, selon des souvenirs de légendes. Il vivait dans une angoisse heureuse, attendant