Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/278

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petit ; maintenant il était temps de l’instruire. Oppressée de souvenirs, Mme de Hennemer s’arrêta, fit asseoir son fils près d’elle sur une pierre ; et là, dans la paix crépusculaire, dans le calme seigneurial du parc, elle se mit à parler de guerres, de fuites, de massacres. Elle conta les angoisses de l’affreuse année, les solennels départs de ceux qu’elle aimait ; elle dit à l’enfant la mort monstrueuse du père, du grand-père, de l’oncle. Le comte de Hennemer, aux premiers jours de l’invasion, avait rejoint le régiment où servaient ses amis. Sans gloire, pendant un combat nocturne, il avait été blessé et il était mort, après une longue agonie solitaire, dans l’horreur des plaines hivernales.

L’oncle, son frère à elle, un sauvage gentilhomme qui passait sa vie à rôder dans les bois et dans les landes, à guetter les loups dans les halliers et les halbrans dans les brumes des murs, n’avait pas voulu s’humilier aux disciplines des armées régulières. Il était parti armé de son fusil de chasse, et il s’était mêlé à des francs-tireurs. Les Allemands l’avaient pendu à un chêne dans la forêt. Et pendant que ces massacres en des lieux ignorés d’elle s’accomplissaient, Mme de Hennemer s’était enfuie,