Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/280

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aux hommes et aux femmes qu’il voyait dans la vie. C’étaient des créatures spéciales à l’histoire : il séparait complètement l’histoire et la vie. Pour la première fois il venait d’apprendre que des massacres pouvaient avoir lieu, que des hommes véritablement tuaient des hommes, brûlaient des maisons. Il frissonnait, cependant il ne saisissait pas bien encore. Les Allemands avaient tué son père. Cela, il le comprenait, l’idée de guerre extérieure, infiniment confuse, était déjà en lui ; puis son père, lui avait-on dit, était officier : la vision de l’uniforme, l’image d’une bataille entre des soldats, lui étaient familières. La mort de son oncle le surprit un peu, mais ne fit pas surgir d’indignation. Évidemment la spéciale ignominie de cette mort ne le frappait pas ; puisque son oncle était prisonnier, il n’était pas étonnant que les Allemands l’eussent pendu. Mais ce qui le troubla profondément, ce fut la mort du grand-père. Des hommes l’avaient fusillé. Quels hommes ? Des Allemands, il savait bien ce que c’était, il se les représentait vêtus de bleu et coiffés de casques pointus. Mais les meurtriers de son grand-père, qui étaient-ils, que voulaient-ils ? C’étaient des ouvriers, disait Mme de Hennemer. Des