Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
NOUVEL ORGANUM.

sont que des combinaisons délicates et incommensurables, ou en n’étendant pas ces premières observations par d’autres observations de même genre, encore plus exactes et plus réitérées, jusqu’aux qualités du troisième et quatrième ordre, au lieu de s’arrêter à moitié chemin, comme ils l’ont fait, ils auraient pu tirer un tout autre parti de ces excellentes vues, qui les auraient menés fort loin de ce côté-là. Et les propriétés de ce genre (je ne dis pas précisément les mêmes, mais seulement des propriétés analogues), ce n’est pas assez de les remarquer dans les remèdes administrés au corps humain, il faut aussi les observer dans les autres corps naturels et dans leurs variations.

Mais une omission encore plus nuisible, c’est qu’on recherche et que l’on contemple les principes constituants des choses, ce dont elles sont faites, et non leurs principes moteurs, par lesquels elles sont faites. Les premiers, en effet, servent dans les discussions, et les seconds quand on veut produire. Et il ne faut pas attacher tant d’importance aux distinctions vulgaires introduites dans la philosophie naturelle pour différencier les actions et les mouvements, telles que celles de génération, de corruption, d’augmentation, de diminution, d’altération, de transport ; car voici à peu près ce que signifient ces dénominations. Selon eux, si un corps change seulement de lieu sans éprouver d’autre changement, c’est un mouvement de transport ; si, le lieu et l’espèce demeurant les mêmes, la qualité seule est changée, c’est une altération ; mais si, par l’effet du changement, la masse ou la quantité de matière ne demeurent pas les mêmes, alors c’est un mouvement d’augmentation ou de diminution. Enfin si la variation va jusqu’à changer l’espèce même et la substance du sujet, et qu’il en résulte une transformation, c’est une génération et une corruption. Mais qu’est-ce que tout cela, sinon des distinctions populaires qui sont loin de pénétrer dans la nature intime des choses ! Ce ne sont tout au plus que des mesures ou des périodes, et non des espèces de mouvement ; elles indiquent le combien, et non le comment ou le pourquoi. Ils ne parlent ni de l’appétit naturel des corps, ni des secrets mouvements de leurs parties. Mais voici tout ce qu’ils font. Lorsque ce mouvement dont nous parlons occasionne dans l’extérieur du sujet quelque changement grossier et très-sensible, ils en tirent leurs divisions. De plus, veulent-ils donner quelques indications sur les causes des mouvements et les ranger sous quelques divisions, ils se contentent de cette puérile distinction de mouvement naturel et de mouvement violent, distinction originaire elle-même d’une notion vulgaire et triviale. Car un mouvement, quelque violent qu’il