Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/264

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C’est ainsi qu’encore qu’on puisse dire d’un homme sain mais enchaisné qu’il n’est pas impossible qu’il courre, puisque la rupture de ses fers, qui luy en donnera la possibilité a une cause dans la nature, mais qu’il n’est pas en son pouvoir de courir, parce que cette cause n’est pas en sa disposition ; néanmoins, si l’on considère ce captif comme captif, on peut dire absolument que, tandis qu’il sera dans les fers, sa fuite est tellement impossible, qu’elle n’est possible en aucun sens, puisque cette supposition exclud totalement la cause de sa liberté.

C’est ce que S. Thomas exprime par le mot d’incompossible, lorsqu’il dit qu’encore qu’il soit possible qu’un homme pèche mortellement, qu’il soit aussi possible qu’il soit élu, et qu’il soit encore possible qu’il soit tué à chaque instant de sa vie, il est néanmoins absolument, et en quelque temps que ce soit, incompossible à toutes ces suppositions qu’il soit ensemble Elu, en péché mortel, et tué en cet estat.

C’est aussi de cette sorte qu’on peut dire d’un homme qui a les yeux sains, qu’il peut voir la lumière qu’on luy offre, s’il le veut ; de telle sorte qu’il n’y a aucun sens auquel on puisse dire qu’il n’ait pas le pouvoir de voir, s’il le veut absolument, la lumière qu on luy présente.

C’est aussi de cette manière qu’on peut dire d’un Juste qui a toutes les grâces nécessaires pour accomplir les préceptes, et qui est tellement en estat de se passer de toute autre chose pour les accomplir