Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/276

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der, ou la crainte de les perdre, nous fait pécher (Aug. lib. I. Oper. imperf.)[1].

Et néanmoins on peut dire de celuy qui est secouru de la grâce, quoy qu’il le soit moins qu’il ne faut, pour faire qu’il marche parfaitement dans la voye de Dieu, qu’il a un pouvoir qu’il n’auroit pas s’il estoit privé de tout secours, puisqu’il est plus proche d’avoir tout celuy qui luy est nécessaire lorsqu’il en a une partie que s’il n’en avoit point du tout ; et mesme que ce secours imparfait, ou trop foihle dans la tentation où l’on le considère, deviendra assez puissant si la tentation vient à se diminuer, et qu’il la luy fera vaincre alors effectivement, ce qui ne seroit pas véritable s’il n’en avoit aucun. De la mesme sorte qu’on peut dire d’un homme dont la veuë est affaiblie par une maladie, et qui a besoin de beaucoup de lumière, qu’encore qu’une petite lumière ne luy donne pas le plein pouvoir de voir, néanmoins elle luy en donne un certain genre, ou un certain degré de pouvoir qu’il n’auroit pas s’il estoit dans les ténèbres, puisqu’il est plus proche d’avoir tout celuy qui luy est nécessaire en cet estât, et que mesme, si sa santé s’affermit, cette lumière deviendra assez forte pour luy en donner alors le pouvoir entier.

Voilà toutes les diverses manières dont on peut considérer les dififerens pouvoirs qui sont tous véritables, quoy que le seul qui doit estre appelle entier, plein et parfait, et qui donne l’action mesme, soit

  1. Cf. la traduction donnée de ce texte, supra p. 108.