Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/77

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protecteurs, emportant avec eux de pays en pays la vérité fugitive et bannie du monde : tout l’avertissoit du danger qui le menaçoit ; tout lui crioit que le dernier des crimes que l’on pardonne est celui d’annoncer des vérités nouvelles. Mais la vérité n’est point à l’homme qui la conçoit ; elle appartient à l’univers, et cherche à s’y répandre. Descartes crut même qu’il en devoit compte au Dieu qui la lui donnoit. Il se dévoua donc (25) ; et, grâces aux passions humaines, il ne tarda point à recueillir les fruits de sa résolution.

Il y avoit alors en Hollande un de ces hommes qui sont offusqués de tout ce qui est grand, qui aux vues étroites de la médiocrité joignent toutes les hauteurs du despotisme, insultent à ce qu’ils ne comprennent pas, couvrent leur foiblesse par leur audace, et leur bassesse par leur orgueil ; intrigants fanatiques, pieux calomniateurs, qui prononcent sans cesse le mot de Dieu et l’outragent, n’affectent de la religion que pour nuire, ne font servir le glaive des lois qu’à assassiner, ont assez de crédit pour inspirer des fureurs subalternes ; espèces de monstres nés pour persécuter et pour haïr, comme le tigre est né pour dévorer. Ce fut un de ces hommes qui s’éleva contre Descartes (26). Il ne seroit peut-être pas inutile à l’histoire de l’esprit humain et des passions de peindre toutes les intrigues et la marche de ce persécuteur ; de le