Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/78

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faire voir, du moment qu’il conçut le dessein de perdre Descartes, travaillant d’abord sourdement et en silence, semant dans les esprits des idées et des soupçons vagues d’athéisme, nourrissant ces soupçons par des libelles et des noirceurs anonymes, suivant de l’œil, et sans se découvrir, les progrès de la fermentation générale ; au moment d’éclater, briguant la première place de son corps, afin de pouvoir joindre l’autorité à la haine ; alors, marchant à découvert, armant contre Descartes et le peuple et les magistrats, et les fureurs sacrées des ministres ; le peignant à tous les yeux comme un athée, qui commençoit par briser les autels, et finiroit par bouleverser l’état ; invoquant à grands cris la religion et les lois. Il faudroit raconter comment ce grand homme fut cité au son de la cloche, et sur le point d’être traîné comme un vil criminel ; comment ensuite, pour lui ôter même la ressource de se justifier, on travailla à le condamner en silence et sans qu’il en pût être averti ; comment son affreux persécuteur, s’il ne pouvoit le perdre tout-à-fait, vouloit du moins le faire proscrire de la Hollande, vouloit faire consumer dans les flammes ces livres d’un athée où l’athéisme est combattu ; comment il avoit déjà transigé avec le bourreau d’Utrecht pour qu’on allumât un feu d’une hauteur extraordinaire, afin de mieux frapper les yeux du peuple. Le barbare eût voulu que