Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/117

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sible entre les deux poètes ; le bon goût est une des plus sûres règles de la bonne poésie[1]. »

Certes, chacun est libre d’avoir son opinion et de la dire ; mais, ce qui pourrait atténuer l’indépendance de Champollion, c’est que chez lui, le courtisan aurait tendance à étouffer le critique : son livre, en effet, est dédié à « Mgr le duc de Nemours » : or, Champollion était ambitieux, il ne s’en cachait pas, et arriviste avant la lettre. On peut donc incriminer non pas son royalisme dont nous n’avons pas à nous occuper, mais ses jugements littéraires qui s’en trouvaient faussés, peut-être à son insu. La réponse de Nisard ne se fit pas attendre, car on ne peut douter qu’elle le vise personnellement. Dans son Histoire de la littérature française qui paraissait cette même année 1844, il rétorque un à un et réduit à néant, dans une forme superbe et avec toute l’autorité qu’il puisait dans sa science et sa conscience de critique, les misérables sophismes qu’on vient de lire et cela, avec une assurance telle, qu’il semble moins exprimer sa propre opinion que rendre un arrêt ayant déjà force de loi.

« Un seul poète, dans ce siècle, marque un âge nouveau de la poésie française et en laisse un monument durable, ce poète, c’est Villon… » « A Blois, Villon lui-même y fut admis : fort heureusement il ne s’y affadit pas. Une certaine élégance précoce dans les pièces du poète royal vieillissant ne suffit pas pour marquer un âge de l’esprit français et un progrès de la langue… » « Ces titres ne valent pas qu’on dépossède Villon de son rang au profit d’un poète, le dernier qui ait imité le Roman de la Rose, le premier qui ait imité la poésie italienne. Le vrai novateur,

  1. Louis et Charles, ducs d’Orléans, leur influence sur les arts, la littérature et l’esprit de leur siècle, Paris, 1844, in-8o, p. 409.