Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/125

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de ses huitains et de la facilité avec laquelle ils se gravent dans l’esprit provient en grande partie du retour par quatre fois de la même rime, laquelle revient par trois fois dans ses ballades. Quand la rime du huitain ne peut être identique dans les lettres finales, Villon s’arrange, le plus souvent, pour que deux rimes ensemble se suivent, et les autres après, par exemple laiz : laiz : colletz : bourreletz (T huit, xxxix) ; -hait : souhait : pet : sommet (T 1591-13 ; 1611-13) ; on pourrait d’ailleurs écrire -het, souhet comme le donnent certaines sources qui ont été adoptées ici. De même pour la réduction de -chié à -ché, comme au huitain lxxiii du Testament où les rimes sont : refrigere, maschouere ; ch(i)ere (subs.), ch(i)ere (adj.) ; ces deux dernières rimes se trouvant ensemble dans la seconde partie de l’octave.

Les rimes de Villon, fort exactes, fournissent en bien des cas des données assez sûres pour juger de sa prononciation. A cet égard, le ms. C (pour le Testament en particulier), qui reproduit d’ordinaire la graphie phonétique, manuscrit sans doute dicté, est particulièrement intéressant.

Ce que l’on remarque tout d’abord chez Villon, c’est l’adjonction d’une s finale dans les rimes où elle n’a que faire. Villon ignorait certainement les formes de la déclinaison romane et, ce qui le prouve avec évidence, c’est le pastiche maladroit « en viel françois » qu’il a composé, et où il sème au petit bonheur les s aussi bien au cas sujet qu’au cas régime. Les lois grammaticales qui régissaient la langue d’oïl du xie au xiiie siècle étaient graduellement tombées en désuétude au xive et furent de plus en plus négligées : mais avant de disparaître d’une façon à peu près complète, elles laissèrent dans la langue des vestiges plus ou moins sensibles jusque dans la première moitié du xvie siècle où se constitua le français moderne. Par cette