Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/550

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uniquement parce qu’on l’a entendu dire ; on la croit parce qu’il paraît à quelque degré raisonnable de la croire.

L’impression que peuvent produire sur nos organes les paroles d’autrui, la répétition même, purement machinale, de ces paroles n’engendrent pas de croyance.

§ 23. a) Par les mots jamais définitive j’essaie de rendre sine fine ; l’expérience vague n’est jamais concluante.

b) Nous ne pouvons avoir de connaissance ou d’idée claire des accidents que si les essences nous sont connues au préalable. Cela me parait dirigé contre Bacon qui voulait suivre la marche inverse ; partir de la connaissance des accidents pour parvenir jusqu’aux formes ; sans que d’ailleurs je prétende assimiler les formes de Bacon aux essences de Spinoza. Il suit de ce passage, on l’observera, que les accidents ne sont pas sans rapport avec les essences ; nous aurons besoin plus tard de nous le rappeler pour interpréter correctement une phrase qui se trouve dans le paragraphe 57 (voir la note explicative).

c) La note de la page 235 montre que Spinoza se proposait de faire un examen critique de la méthode et de la philosophie de Bacon (cf. Lettre 2).

§ 27. La méthode enseignée par Spinoza est la plus opposée qu’il se puisse à la méthode expérimentale (voir note précédente) ; dans cette dernière l’esprit forme différentes hypothèses et cherche laquelle s’ajuste le mieux aux faits, laquelle résiste à l’épreuve de l’expérience dite cruciale. L’invention est ainsi tout à fait distincte de la preuve. Pour Spinoza l’invention, quand elle est ce qu’elle doit être, porte avec elle la marque de sa vérité. Il ne s’agit pas de faire des hypothèses, mais de penser droitement ou simplement de penser. La vraie méthode consiste à produire des idées vraies par une activité spontanée de l’esprit (cf. § 29). Toutefois, cette génération du vrai par la pensée exige certaines précautions, et c’est pourquoi le mot de méthode s’appliquant à ce qui fait l’objet de la suite du Traité n’a pas exactement le sens que Spinoza vient de lui donner. Il désigne la connaissance qu’il nous faut prendre de la nature de l’idée vraie, la distinction de l’idée vraie, conçue par l’entendement, d’avec les autres idées à la production desquelles prend part l’imagination, la recherche enfin de certaines règles à observer, d’un ordre à suivre pour épargner à l’esprit toute démarche inutile (cf. § 32). Le passage du premier sens du mot méthode au second est bien marqué dans le paragraphe 27 par ces mots : La méthode, pour y revenir (Rursus methodus). Les paragraphes 29 et 30 expliquent la nécessité de cette recherche préliminaire (méthode au second