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TRAITÉ

yeux ouverts. » Après avoir béni les Hébreux selon sa coutume, par l’ordre de Dieu, il commence de prophétiser aux autres nations et de prédire leur avenir. Ce qui prouve bien que Bilham a été prophète toute sa vie, ou du moins qu’il a très-souvent prophétisé ; et il faut remarquer aussi qu’il possédait ces qualités morales où était la source de la certitude qu’avaient les prophètes de la vérité de leurs prédictions, je veux dire une âme uniquement portée à l’équité et au bien ; car il ne bénissait pas et ne maudissait pas selon son caprice, comme Balak se l’imaginait, mais selon les ordres de Dieu. Aussi il répond à Balak en ces termes : « Balak me donnerait assez d’argent et d’or pour remplir son palais, que je ne pourrais transgresser le commandement de Dieu et produire à mon gré du bien ou du mal. Ce que Dieu dira, je le dirai. » Que si Dieu s’irrita contre Bilham pendant son voyage, la même chose arriva à Moïse en allant en Égypte par ordre de Dieu (Exode, chap. iv, vers. 24) ; s’il prophétisait pour de l’argent, Shamuel en prenait aussi (Shamuel, liv. I, chap. ix, vers. 2, 8) ; enfin s’il eut quelques faiblesses (voyez sur ce point Épîtres de Pierre, épît. II, chap. ii, vers. 15 et 16 ; et Jude, vers. 11), on peut lui appliquer ces paroles de l’Écriture (Ecclés., chap. vii, vers. 20) : « Il n’est point d’homme si juste qu’il agisse toujours bien et ne pèche jamais. » Et certes il faut croire que ses discours avaient auprès de Dieu une grande autorité et que sa puissance de malédiction fut très-forte, puisque l’Écriture dit si souvent, en témoignage de la miséricorde de Dieu à l’égard des Israélites, que Dieu refusa d’écouter Bilham et changea sa malédiction en bénédiction (voy. Deutér., chap. xxiii, vers. 6 ; Jos., chap. xxiv, vers. 10 ; Néh., chap. xiii, vers. 2). D’où il suit que Bilham devait être très-agréable à Dieu, Dieu n’étant nullement touché des discours et des malédictions des impies. Ainsi donc, puisque Bilham a été un vrai prophète et que Josué l’appelle néanmoins (chap. xiii, vers. 20) un devin, un augure, il faut bien que ce nom se