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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

n’avais pas besoin de la révélation pour résoudre cette question, qui est toute philosophique ; et j’ai jugé plus à propos de n’employer, pour délier le nœud de toutes les difficultés qu’elle présente, que les principes les mieux connus, c’est-à-dire les principes fondamentaux que nous donne la lumière naturelle. Je dis qu’il m’a paru plus à propos de procéder de la sorte ; j’aurais pu en effet résoudre aussi la question avec facilité par les seuls principes de l’Écriture, et c’est ce que je vais prouver en peu de mots. L’Écriture, parlant en plusieurs endroits de la nature en général, dit qu’elle suit un ordre fixe et immuable, par exemple, dans les Psaumes cxlviii, vers. 6, et dans Jérémie, chap. xxi, vers. 35, 36. En outre, le Philosophe enseigne expressément en son Ecclésiaste, chap. Ier, vers. 18, que dans la nature il n’arrive rien de nouveau, et éclaircissant, un peu plus bas, cette pensée (vers. 11 et 12), il dit que, bien qu’en certaines rencontres il se produise des choses qui semblent nouvelles, elles ne sont pas pourtant absolument nouvelles, et se sont déjà produites dans les siècles antérieurs qui n’ont pas laissé de souvenir. La mémoire du passé, ajoute-t-il, s’évanouit pour les générations nouvelles, comme celle du présent s’évanouira pour les générations futures. Au chap. iii, vers. 11, il déclare que Dieu a parfaitement ordonné toutes choses chacune en son temps ; et au vers. 14 que tout ce que Dieu fait doit demeurer pour toute l’éternité, sans qu’il soit possible d’y rien ajouter ou d’en rien retrancher ; paroles qui établissent clairement que la nature garde toujours un ordre fixe et immuable, que Dieu, dans tous les siècles, connus ou inconnus de nous, est resté le même, que les lois de la nature sont si parfaites et si fécondes qu’elles n’ont besoin d’aucune addition et ne souffrent aucun retranchement, enfin que les événements miraculeux ne sont miraculeux et nouveaux qu’au regard de l’ignorance des hommes, tout cela, dis-je, est expressément enseigné dans l’Écriture sainte, et il n’y est dit nulle part qu’il arrive rien dans la nature qui soit