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TRAITÉ

contraire à ses lois ou ne s’en puisse déduire : d’où il suit qu’il ne faut rien voir de semblable dans l’Écriture. Ajoutez à cela que les miracles supposent toujours de certaines causes et de certaines circonstances, lesquelles ne dérivent pas de je ne sais quelle autorité royale que le vulgaire imagine en Dieu, mais d’un décret vraiment divin, c’est-à-dire (comme nous l’avons prouvé par l’Écriture elle-même) des lois et de l’ordre de la nature. Ajoutez enfin que les imposteurs peuvent, eux aussi, faire des miracles, ainsi qu’on le voit clairement par le chap. xiii du Deutéronome, et le chap. iv, vers. 24, de Matthieu. Et de tout cela il résulte le plus évidemment du monde que les miracles ont été des événements naturels, et qu’il faut les expliquer, non pas comme des choses nouvelles, pour me servir de l’expression de Salomon, ou comme des choses contraires à la nature, mais de telle façon qu’on les rapproche autant que possible des faits naturels ; et pour opérer ce rapprochement, il suffit d’emprunter à l’Écriture elle-même quelques règles que j’ai exposées plus haut. Toutefois, bien que je dise que l’Écriture enseigne toutes ces choses, je n’entends pas qu’elle les enseigne comme des principes nécessaires au salut ; j’entends seulement que les prophètes ont considéré les miracles comme nous-mêmes les considérons ; et, en conséquence, il est loisible à chacun de penser sur cette matière de la façon qui lui paraîtra la plus propre à porter son âme au culte de Dieu et à la religion. C’est aussi le sentiment de Josèphe ; il termine ainsi le Livre ii de ses Antiquités :

« Le mot de miracle ne doit pas nous rendre incrédules ; pourquoi ne croirions-nous pas le récit naïf des anciens Hébreux qui nous racontent qu’une voie de salut leur fut ouverte à travers la mer, que ce soit par la volonté de Dieu ou par le cours naturel des choses ? Ne savons-nous pas que, dans un temps qui n’est pas loin de nous[1], la mer de Pam-

  1. Spinoza cite Josèphe en latin et lui fait dire : Olim et antiquitus a resistentibus. Cette version altère le texte. Je suis le véritable texte dans ma traduction.